Pourquoi béatifier ou canoniser ?
La Constitution sur l’Eglise Lumen Gentium du Concile Vatican II précise dans son chapitre VII dans quel esprit l’Eglise est fondée à promouvoir le culte des saints :
« Contempler la vie des hommes qui ont suivi fidèlement le Christ, est un nouveau stimulant à rechercher la Cité à venir et, en même temps nous apprenons par-là à connaître le chemin très sûr par lequel, à travers les vicissitudes du monde et selon l’état et la condition propres à chacun, il nous sera possible de parvenir à l’union parfaite avec le Christ, c’est-à-dire à la sainteté ». Dans la vie de nos compagnons d’humanité plus parfaitement transformés à l’image du Christ, Dieu manifeste aux hommes dans une vive lumière sa présence et son visage » (LG n°50).
Le Concile demande aux responsables:
« qu’ils enseignent aux fidèles que le culte authentique des saints ne consiste pas tant à multiplier les actes extérieurs mais plutôt à pratiquer un amour fervent et effectif, cherchant, pour notre plus grand bien et celui de l’Eglise, à fréquenter les saints pour les imiter, à nous unir à eux pour avoir part à leur sort, à obtenir le secours de leur intercession » (LG n°51)
Ce n’est que dans ce contexte que peut s’ouvrir une démarche visant à faire reconnaître par l’Eglise la sainteté d’une de nos sœurs ou d’un de nos frères.
Il y a donc lieu d’entreprendre ce chemin dans un esprit d’humilité et d’obéissance aux règles définies par l’Eglise pour discerner si la vie d’un de ceux qui nous ont précédé est un modèle sûr que nous pouvons imiter pour parvenir au ciel.
Sur quelles bases a été décidée l’ouverture du procès ?
« Ces frères et sœurs sont des aînés dans la foi, des persévérants chercheurs de Dieu et d’inlassables amis des hommes. Ils soulignent le visage réaliste de la sainteté lorsque sur la face du Christ, ils ont vu la raison de ne pas désespérer d’eux-mêmes, celle qui opère en l’homme les transformations les plus inattendues. Dans leur grande diversité, les saints disent au monde que Dieu est crédible ».
Frère Jacques, OSB in « Oser porter la sainteté »
(Renaissance de Fleury, revue des moines de Saint-Benoît- sur- Loire).
Lorsqu'il autorise l’ouverture d’un procès de béatification, l’évêque se fonde sur des témoignages qui indiquent, de façon aussi objective que possible, que la personne concernée a vécu de façon si vertueuse qu’elle est susceptible de devenir un modèle pour ses frères et sœurs dans la foi et qu'on peut implorer son aide et son intercession.
Ce premier pas (qui ne préjuge évidemment pas du jugement de l’Eglise) se fonde sur l’observation de la vie de la personne concernée.
Pour la Servante de Dieu Zita, plusieurs traits peuvent être relevés :
- Le sens du service déployé dans sa fonction d’Impératrice et Reine. A vue humaine, elle a répondu de façon exemplaire aux paroles du rituel du couronnement qui lui furent adressées à Budapest (30 décembre 1916) : « Reçois la couronne de la souveraineté, afin que tu saches que tu es l’épouse du roi et que tu dois toujours prendre soin du peuple de Dieu. Plus haut tu es placée, plus tu dois être humble et rester en Jésus-Christ ».
- L’attention aux autres, aussi bien dans ses fonctions officielles (le Cardinal-Archevêque de Vienne, Monseigneur Piffl, la surnomma « l’ange gardien de tous ceux qui souffrent ») que dans sa vie ordinaire.
- L’abandon à Dieu et le courage qui se manifestèrent lors de l’agonie du Bienheureux Charles, son mari, et lors de chaque exil.
- Le courage dans le veuvage avec huit enfants. Elle prit à cœur leur éducation, spécialement leur éducation chrétienne. En fait, elle ne dissociait pas "éducation " et "éducation chrétienne" mais elle voulait surtout faire de ses enfants des chrétiens inébranlables.
- L’amour de l’Eglise, la fréquence des sacrements, en particulier la Messe et le sacrement de Pénitence et le respect de la parole du Pape.
- L'obéissance : au Pape, à l'Eglise et même, à travers Dom Jean Prou, alors abbé de Solesmes, à ses enfants lorsqu'il se fit leur interprète auprès d'elle pour lui faire part de leur souhait qu'elle ne devienne pas religieuse.
- La piété et l’humilité, par la récitation d'une partie de l'office divin, du chapelet et le choix d’une vie simple.
- L’union au Christ en tant qu’oblate de l’Abbaye Saint Pierre de Solesmes et comme consacrée avec toute sa famille au Sacré Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie et au moment de son agonie.
Tous ces traits, attestés par des témoignages très concrets, devraient permettre à l’Eglise de se prononcer, si Dieu le veut, sur l’héroïcité des vertus de la Servante de Dieu.
Quant à nous, peut-être impressionnées par une si longue énumération, n’oublions pas les paroles de Saint Jean-Marie Vianney, curé d’Ars : « je n’ai pas autre chose à vous prouver que l’indispensable obligation où nous sommes de devenir des saints ».
Comment se passe un « procès » de béatification ou de canonisation ?
Le texte de référence indiquant le déroulement des enquêtes diocésaines regardant les causes des saints est l’instruction « Sanctorum Mater » promulguée le 17 mai 2007.
Cette instruction traite des étapes de la procédure des enquêtes diocésaines concernant la vie, les vertus et la réputation de sainteté (fama sanctitatis) et des signes d'un fidèle de l'Eglise catholique en vue de de béatification et de sa canonisation.
Le processus peut être résumé et appliqué à la Servante de Dieu de la manière suivante :
Phase diocésaine :
- C’est à l’évêque (de lieu du décès ou du lieu où la personne a passé la plus grande partie de sa vie ou encore où se trouvent les preuves les plus importantes) de décider d’ouvrir une enquête,
Il doit prendre sa décision après avoir vérifié que l’intéressé jouit d’une « large et authentique réputation de sainteté» ou de martyre et de réputation de signes (miracles)...Cette réputation doit être spontanée et non procurée artificiellement ».
Constituer un dossier, voire, pour parler un langage contemporain, monter une action de communication ne suffirait donc pas !
Le procès diocésain de la Servante de Dieu Zita s'est officiellement ouvert le jeudi 10 décembre 2009, au palais épiscopal du Mans, siège du tribunal diocésain, en présence et sous la présidence de Monseigneur Yves Le Saux, évêque du lieu.
Cette enquête consiste en :
la réunion de preuves documentaires de la cause (écrits de l’intéressée),
l’audition de témoins si cela est possible compte tenu de son ancienneté.
Dès l’ouverture de cette enquête, l’intéressée porte le titre de Servante de Dieu. C’est donc la situation de Zita aujourd’hui.
L'évêque nomme par décret les membres du Tribunal.
Les membres du tribunal sont tenus au secret, notamment vis-à-vis de l’acteur. Ils ne peuvent diffuser ou utiliser les preuves reçues pour un usage externe (publications notamment).
- Au terme de l'enquête, il appartient aussi à l'évêque de conclure cette phase du procès et d'envoyer les actes à la Congrégation des Causes des Saints.
- Commence alors la phase dite romaine : étude du dossier et jugement définitif.
Phase romaine :
La Congrégation pour la cause des saints est en charge de l’examen du dossier.
Lorsque cette congrégation reconnaît l’héroïcité des vertus de la servante ou du serviteur de Dieu, celle ou celui-ci porte alors le titre de vénérable.
Vient ensuite la reconnaissance d’un miracle qui ouvre la possibilité d’une béatification.
La reconnaissance d’un second miracle est nécessaire pour la canonisation.
Seul le pape peut décider en dernière instance.
Pour une description plus détaillée de la phase romaine, on pourra se reporter à l’ouvrage d’Yves Chiron :Enquête sur les béatifications et les canonisations Perrin collection Tempus, Paris 2011 pages 83-85.
Quelles sont les parties prenantes ?
L’acteur, c'est-à-dire les personnes qui promeuvent la cause et assurent les responsabilités morales et économiques, agréé par l’évêque, est garant du déroulement de la promotion de la cause y compris dans sa phase romaine.
En l’occurrence l’Association pour la béatification et la canonisation de l’Impératrice Zita est acteur de la cause.
Le postulateur, c'est-à-dire un prêtre ou un laïc expert en théologie, en droit canonique et en histoire. Nommé par l’acteur pour la phase diocésaine, il suit le déroulement de l’enquête. Une nouvelle nomination doit intervenir lorsque le procès entre dans sa phase romaine : nouveau postulateur ou renouvellement de l’ancien.
Depuis mars 2015, le postulateur nommé par l’Association-acteur et assermenté devant Monseigneur Le Saux, évêque du Mans et président du tribunal de la cause, est l’Abbé Alexander Leonhardt.
Né en 1966, de nationalité allemande (mais bilingue en français), Monsieur l’abbé Alexander Leonhardt, ordonné en 1992, est prêtre de l’archidiocèse de Strasbourg depuis 1994. Dans son activité pastorale, il est prêtre coopérateur de la paroisse personnelle de La Croix Glorieuse à Strasbourg et à Logelbach (Colmar), et prêtre coopérateur à la paroisse Saint-Louis de Strasbourg. Juge auditeur à l'Officialité de Strasbourg, il est titulaire d’une maîtrise en droit canonique. Animateur spirituel de la délégation du Bas-Rhin des Œuvres Hospitalières de l'Ordre de Malte, Monsieur l’abbé Alexander Leonhardt est aussi Chapelain Magistral de l'Ordre Souverain de Malte.
Un Vice-Postulateur peut être nommé par le postulateur avec le consentement de l'acteur pour remplacer le postulateur s'il y a lieu. Ainsi, Monsieur Norbert NAGY a été nommé Vice-Postulateur pour la Hongrie.
Les membres du Tribunal :
Le Juge délégué instruit la cause au nom de l'évêque.
Monsieur l’Abbé Bruno Bonnet (diocèse de Versailles) est juge-délégué.
Le promoteur de justice (appelé aussi : « avocat du diable ») est le garant du bon déroulement de l’enquête et de la qualité des éléments retenus.
Monsieur l’Abbé François Scrive (diocèse de Pontoise) assure cette fonction.
Le notaire, transcrit les déclarations des témoins et rédige les actes de l’enquête.
Madame Nathalie Fumery et Monsieur Didier Le Gac assument cette fonction.
Éventuellement, pour une enquête sur une guérison présumée, l'évêque nomme un expert médecin ou, pour un miracle présumé d'une autre nature, un expert technique.
Toutes ces personnes sont nommées par l’évêque et prêtent serment devant lui.
L’évêque doit également nommer au moins trois experts qui forment une commission historique. Le président de cette commission est Fra’ Emmanuel Rousseau, membre du Souverain Conseil de l’Ordre de Malte.
Il convient de souligner enfin que seule la béatification permet un culte public.
Comment collaborent l’acteur et le postulateur ?
Ces deux fonctions sont à la fois distinctes et complémentaires.
Pour illustrer ce propos, on pourrait, mutatis mutandis, évoquer la distinction faite dans le domaine profane entre le maître d’œuvre (acteur) et le maître d’ouvrage (postulateur).
L’acteur, par son action, soutient le postulateur en organisant tout au long de l’année des activités pour faire connaître la vie et la spiritualité de la Servante de Dieu, en incitant les fidèles à demander son intercession, en recueillant des témoignages de grâces reçues ou de guérison qu’elle transmet au postulateur. L’association contribue ainsi à la réputation de sainteté (« fama sanctitatis ») de la Servante de Dieu.
Le postulateur est donc le maître d’ouvrage : son rôle est central pour l’avancement du procès. Il dispose de compétences en droit canon, en théologie qui ne sont pas du domaine de l’acteur.
Il s’agit donc de veiller à ce que s’instaure, dans un climat de respect réciproque, une collaboration confiante. C’est ainsi que l’association, le postulateur et les membres du tribunal s’ils peuvent se rendre disponibles, se rencontrent régulièrement, notamment au moment de l’Assemblée générale annuelle.
Cette collaboration se concrétise, par exemple, dans l’administration des « biens offerts pour la cause» : en effet, si l’article 18 de l’instruction Sanctorum Mater prévoit que le postulateur administre ces biens, il reste que l’association acteur qui soutient la cause jouit de l’autonomie juridique et financière. C’est une occasion de mettre en œuvre un modus vivendi en se souvenant que ces biens sont certes matériels mais que leur usage a une finalité spirituelle.
Où en sommes-nous ?
La phase diocésaine consistant à rencontrer les témoins potentiels et à les sélectionner afin d’éviter les redites, nécessite de planifier les enquêtes géographiquement, socialement, historiquement et selon le degré d’intimité avec la Servante de Dieu Zita.
Le chiffre initialement prévu pour les témoins déposant devant le tribunal était d’une trentaine, mais il était susceptible d’augmenter en fonction de nouveaux témoins découverts et suivant l’avis du juge.
En septembre 2012, 35 témoins avaient été auditionnés. A ce jour, cette partie du travail semble achevée.
Les questions sont préparées par le promoteur de justice : deux tiers ont un caractère historico-biographique et un tiers porte sur la pratique des vertus et la réputation des signes (grâces et miracle).
Le postulateur prépare les sessions du tribunal. Il n’a pas le droit d'y participer, mais il peut être présent pour veiller à ce qu’elles se déroulent sans problème.
A la connaissance de l’acteur, les interrogatoires peuvent être considérés comme pratiquement terminés par le tribunal et le premier postulateur. Ils ont été transcrits par les deux notaires. S’il restait d’ultimes témoins, les auditions devraient être organisées, mais l’essentiel du travail est de mettre en forme la présentation des résultats de l’enquête diocésaine, et de rédiger un résumé de cette enquête.
Le postulateur fait le lien entre l’évêque et une commission de censure théologique composée de deux censeurs (qui s’ignorent l’un l’autre) et fournit les documents à soumettre.
Simultanément, la commission historique, devra finaliser ses travaux pour les intégrer dans le document final.